Entretien avec le professeur

 

Doit on obligatoirement prendre des cours pour bien chanter ?

Pas forcément… Il y a trois façons de progresser vocalement.

La première est de faire du piano-bar pendant un an ou deux à raison de 4 heures par jour.

La seconde est l’imitation. On écoute et on réécoute pour ensuite imiter ses chanteurs préférés. On reproduit à l’oreille leur technique et leur style. Peu y parviennent cependant, mais on procède un peu comme l’apprenti peintre qui copie ses maîtres pour trouver ensuite son propre style.

Quant à la troisième, elle consiste à prendre des cours de chant. Cependant le cours de chant présente également l’avantage d’un travail plus global sur la voix, et nous ne l’utilisons pas toujours pour chanter…

Laquelle des trois écoles avez-vous suivi ?

Pour ma part, j’ai fait les trois, en France mais aussi à l’étranger.

Donner des cours de chant en visioconférence, c’est plutôt atypique non ?

Non, absolument pas. Les grand coaches vocaux français et même étrangers font cela depuis très longtemps.

Comment procédez-vous ?

Le plus important reste de recréer les mêmes conditions qu’en présentiel, le masque de protection FFP2 en moins ! Pour travailler dans un contexte optimal de confort et d’efficacité, un petit investissement technique est indispensable. Les détails sont d’ailleurs sur le site et l’école prend à sa charge une partie de l’investissement. Une fois les bonnes conditions recréées, le cours se déroule avec la même efficacité, et les mêmes performances.

Comme pour les cours de piano ou de guitare, peut-on dire qu’il n’y a que des avantages ?

Écoutez, c’est encore plus pertinent en chant, car l’instrument, c’est vous. Certes, on se retrouve par écran interposé, mais si votre objectifs est de travailler votre voix et de progresser, toutes les conditions pour ce faire sont réunies. L’essentiel réside dans ce que vous dit et vous fait faire votre prof. Le reste sont des points tout à fait accessoires, des points de détails…

Mais c’est tout de même frustrant de ne pas se voir ?

A aucun moment on ne se voit pas. Bien au contraire, l’écran permet une concentration privilégiée et un suivi plus que précis de ma part. Et si vous faites référence au fait qu’on ne peut plus se « toucher », vous avez raison. Mais le plus important demeure la façon dont sont transmis les informations et les conseils. Dans ce type de cours, il n’y a pas que le son, il y a aussi l’image. Que demander de plus ?

Quant au fait de ne pas se voir « en vrai » comme je l’entends parfois – j’avais bien compris votre question –  c’est effectivement le seul inconvénient. Mais il est largement  compensé par l’absence de déplacement, un gain de temps précieux, moins de fatigue et une prise de cours dans un environnement qui vous est familier et au moment qui vous convient le mieux. De plus, votre horaire de cours peut changer d’une semaine à l’autre. Et c’est donc chez eux que me « reçoivent » les élèves. C’est surtout un réel avantage et peut être même une certaine forme de luxe…

Mais si votre objectif est de vous faire des amis ou de rencontrer du monde, optez pour un groupe vocal ou une une chorale, pas pour un cours de chant individuel.

Mais n’y a-t-il pas ne serait-ce qu’un petit bémol à ce mode de fonctionnement ?

Si, vous avez raison, il y en a un et un seul.

C’est le fait de ne plus se voir  « en vrai ». Mais pour pallier cette faiblesse, nous avons créé « Les Musicales de Marrakech » pour nous retrouver autour d’un beau projet vocal et nous détendre ensemble sous le soleil  du Maroc.

Mais la dimension de ces longs week-ends musicaux n’est pas uniquement sociale ou amicale. Elle est aussi artistique puisque nous proposons à nos chanteuses et chanteurs,  s’ils le souhaitent, de valoriser leur travail et de se produire en public, dans des conditions techniques de son & lumière professionnelles. Nous serons bien sûr à leurs côtés pour les aider à préparer cette expérience unique.

C’est une idée formidable. En tout cas, ça donne vraiment envie…

Je pense que c’est une expérience unique, surtout dans les conditions exceptionnelles que vous allons offrir à nos élèves.

Depuis combien de temps enseignez-vous ?

J’ai commencé à enseigner le chant il y a 25 ans. Après des débuts en nom propre, je suis heureux à présent de le faire dans le cadre de cette petite structure qui met à ma disposition tous les moyens dont j’ai besoin pour travailler dans les meilleures conditions.

Vous êtes plutôt un artiste ou un coach ?

Je suis les deux : professeur de chant et d’expression scénique, et chanteur de variétés. Mais les deux métiers sont différents. Le fait d’exploiter un certain talent ou une prédisposition à laquelle vient naturellement s’ajouter le fruit d’années de travail, ne veut nullement dire que vous êtes capable de transmettre ce savoir. L’enseignement est aussi un métier. Et c’est ce à quoi j’emploie la plupart de mon temps actuellement.

Quel est l’objectif d’un cours de chant ?

Dans l’opinion générale, on prend des cours de chant pour apprendre à chanter ou à améliorer ses capacités vocales. Si l’on met à part celles et ceux qui chantent faux, et qui doivent donc rééduquer la voix et l’oreille, le travail vocal présente de multiples avantages : il s’agit d’une approche tellement complète que dire qu’on prend des cours de chant pour apprendre à chanter peut même sembler réducteur.

Question délicate : si on chante faux ou qu’on a une voix de « casserole » comme on dit et qu’on adore chanter que risque-t-on ?

En réalité, pas grand-chose… Mais souvent, dans ce cas-là, c’est l’entourage le premier « public » et il est souvent sans aucune pitié : on vous demande de vous taire !

Y a-t-il une solution ?

Oui, on peut souvent corriger sa voix. Il faut cependant distinguer les personnes qui chantent réellement faux : elles sont plutôt rares ; mais lorsqu’elles fredonnent, sans les paroles on ne parviendrait même pas à donner le titre d’une chanson connue… Et puis, il y celles qui pensent chanter faux : peut-être parce qu’elle ne chantent pas toutes les notes justes, qu’elles ne maîtrisent plus leur voix dans les aigus ou que la voix tremble par moment…

Comment intervenez-vous ?

Les deux profils sont radicalement différents, les causes pas forcément les mêmes et donc l’approche « correctrice » sera également différente. Dans les grandes lignes, on peut être amené à  effectuer un  travail sur l’oreille,  sur la mémorisation ou  la reproduction des sons, et parfois, mais c’est très rare, sur les trois en même temps. C’est un travail qui peut être un peu long, parfois un peu difficile, mais très gratifiant lorsqu’on touche au but.

Et pour savoir exactement où on en est avec ces questions de justesse ?

Il suffit de faire un petit bilan vocal. C’est-à-dire venir chanter un petit couplet et attendre le « verdict ». Mais je veux insister, il est très rare de chanter faux et de ne pouvoir rien faire. Quant à la voix de « casserole », il suffit de la travailler pour la faire évoluer.

Sur quel style de chant vous proposez-vous d’intervenir ?

Je travaille uniquement sur le chant qui sur scène doit être sonorisé : variété, jazz, chanson moderne, blues, gospel… La liste est longue.  La technique reste à peu de chose près la même, c’est surtout le répertoire qui change.

Plus globalement dans cette façon d’enseigner le chant, comment expliqueriez-vous la méthode que vous utilisez ?

Je n’utilise pas de méthode type, encore moins une méthode que j’aurais mise au point personnellement. J’ai réuni dans mon enseignement des principes très divers qui fonctionnent et je cherche à proposer la meilleure efficacité en fonction de chaque élève.  La diversité de ma formation me permet d’aborder le travail de la voix et de l’interprétation de façon variée,  singulière et personnalisée, même si je suis bien sûr, parfois amené à corriger des problèmes vocaux similaires. A la vérité, je ne prétends pas créer quoi que ce soit, mais utiliser le capital existant qu’est la voix et le faire évoluer au mieux pour chaque élève avec les moyens et les outils qui conviennent.

Lorsqu’on enseigne le chant, à quoi doit-on rester attentif ?

Je veux d’abord rappeler une banalité : en chant,  l’instrument c’est vous. Et c’est cela qui change toute la démarche par rapport à la pratique d’un instrument. Mais pour répondre à votre question, il faut rester vigilent tout d’abord à ne pas créer une dépendance prof élève. Un chanteur, même en formation, doit progressivement apprendre à devenir autonome.  Je tiens ensuite, au-delà du travail vocal, à toujours préserver la santé vocale de celles et ceux qui me confient leur instrument. La voix est un instrument fragile et il faut en prendre soin. Il est capital d’adapter les exercices à la voix de chacun tout en maintenant voire en augmentant la confiance en soi du chanteur. C’est aussi à l’écoute de l’élève qu’il faut rester attentif : ses propos sont aussi importants que mes explications. Enfin, il ne faut pas oublier que même si nous ne garantissons que les moyens mis à disposition,  on reste responsable de la progression de nos élèves.

Faut-il connaître le solfège pour apprendre à chanter ?

Non, il n’est pas nécessaire de connaître le solfège pour chanter… Ensuite, il faut voir quels sont les besoins : pour chanter en chorale, maîtriser le déchiffrage d’une partition peut être un véritable atout. Certains chefs de chœurs l’imposent, mais l’approche chorale du chant est un peu différente. En fait, plus les pièces préparées sont longues et difficiles, plus la maîtrise du déchiffrage est importante.

Pourquoi conseillez-vous de travaillez en cours individuels ?

En chant, c’est encore plus délicat qu’en piano par exemple, car chaque élève, et donc chaque instrument – je parle de sa voix – est  différent. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas quelques principes communs à aborder. Mais tous les élèves n’ont pas les mêmes « symptômes » alors il serait absurde d’imposer à un groupe  le même « traitement ». Je n’ai jamais donné deux cours individuels identiques…

Pourtant, vous proposez également des cours collectifs ?

Tout à fait,  mais ce sont des séances qui durent plus longtemps et dans ce cadre, je n’interviens pas de la même façon. Il s’agit d’un travail plus général, mais effectué au sein de groupes très restreints de trois personnes, et déjà constitués.

Quelles sont les différentes étapes qui composent un cours collectif généralement ?

Avant toute chose, on se prépare à chanter. Il est fondamental de bien se détendre,  de s’étirer  et surtout,  d’échauffer sa voix.

Dans un second temps, on effectue des exercices orientés vers le placement de la voix.  On aborde ensuite la présentation et la mise en pratique d’un ou deux principes de technique vocale.

Puis on entre vraiment dans le travail la chanson « du jour » en veillant, par delà la mise en place du texte et de la musique, à trouver l’expression en adéquation avec ce que l’on chante.

Enfin, on essaye d’intégrer à la performance de chacun le ou les différents points techniques étudiés auparavant.

Dispensées dans une atmosphère complice et conviviale, ces séances, tout en enseignant l’art du chant, constituent donc une excellente opportunité pour se détendre et se changer les idées en découvrant également les multiples bienfaits de l’expression vocale.

Avez-vous déjà fait travailler des gens connus ?

Oui,  c’est déjà arrivé sans pour autant qu’il faille en tirer quelque conclusion que ce soit. J’ai simplement travaillé avec des artistes pour lesquels, mon approche intuitive était efficace. Mais rassurez-vous, je ne demande pas un certificat de popularité à celles et ceux qui veulent suivre mes cours. Et tout le monde est accueilli et formé avec la même attention et avec le même intérêt, qu’ils soient amateurs ou professionnels.

Avez-vous déjà travaillé avec des élèves « atypiques » ?

Il y a six ans, j’ai accueilli un jeune homme d’une petite trentaine d’année qui venait de sortir d’hôpital psychiatrique où il avait était interné pendant plusieurs années pour cause de schizophrénie. Il était en phase de rémission et nous avons pu travailler ensemble pendant trois ans. Le travail vocal, malgré le lourd traitement chimique qu’il suivait, lui a fait énormément de bien. J’ai vraiment été heureux de lui redonner le sourire… Il a aujourd’hui quitté Paris, mais je l’ai encouragé à continuer de chanter.

Y a-t-il des gens que vous n’avez pas pu faire travailler et dont vous vous êtes séparés ?

Oui c’est arrivé une fois, il y a 4 ans je crois : un jeune chanteur qui nous avait été adressé par son orthophoniste, pour des soucis de justesse et des problèmes de maux de gorge. Il refusait systématiquement de se remettre en question et allait même jusqu’à refuser des principes de base de technique vocale. Il « coinçait » ses sons dans une gorge serrée, avait donc assez rapidement mal à la gorge, des aigus souvent improbables et toujours difficiles à atteindre, il forçait en permanence ; et il se réfugiait dans « ça, c’est mon style »…  Il n’évoluait pas et surtout conservait ses problèmes vocaux. J’ai donc décidé d’arrêter de le faire travailler.

Ce genre de situation est-il fréquent ?

Ca peut arriver parfois avec de jeunes chanteurs  qui, sans aucune formation, ont déjà chanté du rock avec leurs copains  pendant plusieurs années, qui se sont même parfois produits en public, et à qui on a dit qu’ils étaient plein de talent, et pas toujours pour des raisons objectives. Il est difficile de perdre des mauvaises habitudes bien acquises. C’est même plus long que de les acquérir. D’où l’importance d’une bonne initiation avec de solides bases techniques qu’on prend le soin d’expliquer et de mettre en pratique. En l’occurrence, je perdais mon temps et lui son argent. Mais cet exemple reste un cas isolé.

Alors précisément, en quelques mots, on travaille sur quels aspects ?

Ca va peut-être vous surprendre, mais on ne fait pas uniquement des vocalises et des chansons. Le travail est extrêmement complet et diversifié. Dans les grandes lignes les moins techniques,  on travaille :

Sur la respiration d’abord : on apprend à mieux gérer son air, à retrouver une respiration naturelle, instinctive, automatique et donc qui détend.

Sur la verticalité ensuite : on se redresse…et l’effet est immédiat sur la voix.

Sur les abdos ensuite : on renforce sa sangle abdominale !

Sur la réduction des rides : le chant est  aussi une cure de jouvence. Chanter, c’est la meilleure des gymnastiques faciales car, pour émettre des sons, on sollicite de nombreux des muscles du visage.

Sur la détente également : le chant libère non seulement du stress, mais il nous permet de prendre conscience des zones de tension grâce, entre autres, à des exercices physiques…

Le chant redonne le sourire et donne du baume au cœur : c’est un anti-dépresseur fantastique. Ce mode d’expression libère les tensions. Il procure un réel bien-être psychique en stimulant la production d’endorphines, qui réduisent le stress, la fatigue et augmentent les sensations de bien-être.

De plus, le chant faisant vibrer et résonner  l’ensemble de notre corps à la façon d’un instrument à vent, il permet un défoulement que n’offre pas la voix parlée.

On améliore aussi sa diction et son élocution : on s’exprime plus fort, plus facilement, et sans effort.

On découvre comment prendre de l’assurance tout restant détendu : le chant apporte donc la maîtrise de soi, l’épanouissement, la séduction et aussi le pouvoir.

Enfin, le cours de chant permet aussi d’apprendre à s’imposer, à capter un auditoire, faire passer une émotion et exprimer un sentiment.

Donc, ce n’est forcement pour le chant en soi que l’on peut décider de travailler sa voix ?

Effectivement, pas forcément. Il m’est arrivé de travailler avec des comédiens et ils n’avaient pas l’intention de devenir chanteur. Le travail de la voix trouve directement son utilité pour celles et ceux qui doivent s’exprimer en public, animer des réunions ou parler plus ou moins longtemps au téléphone. Il y a aussi le fait de rendre sa voix plus plaisante, même parlée, la gestion du trac, le développement de la puissance, etc.

Un cours de chant peut ouvrir d’autres perspectives ?

Tout à fait, et la première n’est donc pas forcément de chanter juste, mais de « parler juste ». Nombreux sont celles et ceux qui appréhendent de parler en public, qui ont la voix fatiguée en fin de journée ou bien qui ne parviennent pas à se détendre totalement. Souvent la voix n’est pas placée : elle s’avère fade ou même désagréable. Travailler sa voix peut alors révéler de belles surprises extrêmement bénéfiques dans sa vie privée comme professionnelle.

Que fait-on dans un cours de chant si on veut apprendre à chanter des chansons,  à part travailler tout ces aspects ?

Par-delà la technique vocale dont vous avez vu l’étendue, on travaille également la façon dont on va pouvoir interpréter, c’est-à-dire, en deux mots, s’approprier une chanson du répertoire choisi. C’est un travail dont la majorité des aspects est inspirée directement du travail de comédien. On ne joue pas : on devient ce que l’on chante. Et c’est à nouveau un travail très varié sur la compréhension,  l’émotion juste, le plaisir, le « lâcher prise », les expressions du regard, l’espace et la présence, l’imaginaire, la générosité, l’affirmation de soi,  la sincérité… et bien sûr le pouvoir.